Adrien Giros est un jeune artiste Parisien né en 1985. Après un passage à l’Ecole Supérieur des Arts Décoratifs de Strasbourg, Adrien est sorti l’année dernière félicité de l’ENSBA de Paris. A cette occasion, il a pu participer à l’exposition collective “dépaysements” au 104 de Paris. Vingt-cinq talents ont ainsi présenté leurs travaux sous le commissariat de Gunnar B. Kvaran.

Dans le cadre de sa résidence de 3 mois à la MeetFactory de Prague et de son exposition personnelle le 19 Décembre prochain, rencontre avec ce performeur du bruit.


Présente nous ton travail. Ton medium est le son c’est ça ?

Mon medium de prédilection est bien le son, il est à la source de tout mon travail et de mes recherches sans toutefois en être l’unique outil. Je l’utilise pour ses qualités plastiques, psychiques et physiques. C’est souvent à partir d’une histoire personnelle ou d’une expérience acoustique que je crée mes pièces sans jamais me limiter dans l’usage d’un medium ou d’un autre. Ce qui m’intéresse le plus dans un phénomène acoustique, ce sont les vibrations : elles font appel à des forces telluriques, magnétiques et charnelles qui sont pour moi à la source de TOUT, c’est l’essence même du son. A travers, des sculptures, performances et installations, j’essaie de lui conférer et d’exploiter cette matérialité.

La notion traditionnelle de “beaux-arts” s’est depuis quelques temps affranchie de l’approche académique, complétée par la notion d”art visuel” qui permet d’intégrer des médiums contemporains comme la vidéo ou le numérique.

De ton côté, tu travailles sur des sons, mais parfois avec une finalité plastique (installation, sculpture, photographie…). Où te situes-tu ?

J’imagine que je me situe entre pas mal de choses.

Cela fait exactement cent ans que, sous l’impulsion des Futuristes et des Dadaïstes, la notion « beaux-arts » s’élargie. Les Futuristes, notamment Luigi Russolo, font entrer tous types de sons et de bruits dans le champ musical (cf. L’art des bruits, 1913). Les Dadaïstes (premier ready-made de Marcel Duchamp en 1913) pensent que tout objet est potentiellement une œuvre d’art . Ce qui définit aujourd’hui ce que l’on fait n’est pas tant ce qui est montré, mais le contexte dans lequel il est présenté.

J’aime que nos sens soient stimulés. Je construis des dispositifs immersifs dans lesquels s’entrecroisent toutes sortes de médias : vidéos, photos, lumières, nouvelles technologies, le son toujours au cœur de mes influences. Mes références proviennent de différents horizons tout en restant profondément ancrées dans une culture de l’Histoire de l’art.

Lors d’une journée portes ouvertes à l’ENSBA, tu avais présenté une sculpture sonore très étrange. Une sorte de gros rocher suspendu dans une pièce vide, fermée, avec une lumière tamisée et un son d’infra basse en continu.

Ce côté “grosses basses” fait-il référence à une culture musicale spécifique ? (freeparty, sound system…)

Sans titre (rocher i), 2011, Sculpture sonore

Je ne pense pas faire de référence directe à une culture musicale dans cette installation. C’était plus une sorte d’objet mystique qui contient en lui une source d’énergie vibratoire, celle de la roche, de la terre. Je parle d’énergie dans ce que je fais, d’énergie vitale, celle qui nous fait, entre autres, prendre conscience de notre corps et de notre esprit, de ce qui nous entoure, de la vie. Mais je suis clairement influencé par les cultures de musiques technos (entre autres). J’ai beaucoup été en free et voue un certain « culte » aux sound systems qui dégagent aussi une énorme énergie, qui font vibrer notre corps de la tête aux pieds. Say Watt? Le culte du sound system, à la Gaîté lyrique retraçait l’histoire des sounds systems, malheureusement cette exposition était pour moi un échec car il n’y avait aucune volonté de retranscrire les sentiments puissants qu’ils provoquent, tels que se retrouver entièrement figé dans une masse sonore, comme dans une bulle.

Parle nous de ta résidence à la Meetfactory, tu te sens comment dans ton atelier de 100m2 ? Cela te donne envie de postuler pour d’autres résidences ?

Ah c’est bon ça !

C’est ma toute première résidence longue, j’ai de la chance car je suis dans de superbes conditions, je suis logé, j’ai un atelier, une bourse et une exposition personnelle. Je suis aussi soutenu par l’Institut Français et le CEAAC à Strasbourg. Toutes les conditions sont réunies pour bosser tranquillement. La Meetfactory est un lieu culturel à Prague qui bouge énormément et la République Tchèque est très dynamique et très jeune dans les domaines culturels : il y a pas mal de petites galeries non commerciales, où tout semble possible. Ça fait du bien de voir ce qui se passe ailleurs. Ici, on est vraiment au croisement de l’Europe occidentale et de l’Europe de l’est, c’est intéressant. j’ai l’impression que c’est beaucoup plus simple et dynamique qu’à Paris, avec aussi beaucoup moins de moyens.

Je suis sorti de l’ENSBA en 2012 et j’ai passé beaucoup de temps  à envoyer des dossiers pour des résidences, c’est très dur de recevoir des réponses négatives, ça remet sans cesse en question, il y a beaucoup de demandes pour peu de places disponibles. Parfois ça marche et tant mieux, je continue à faire des demandes et je continuerai car c’est un très bon moyen de travailler et de créer des relations à long terme en province ou à l’étranger, c’est sortir de son « confort » et puis c’est simplement bon de voir ce qui se fait ailleurs et de partager son travail.

Le 19 décembre prochain tu présenteras ta première exposition personnelle pour clôturer cette résidence. Pas trop angoissé ?

Un peu, c’est normal. Je vais proposer un tout nouveau travail ici, je ne sais pas du tout comment cela va être reçu. Et c’est la première fois que je vais travailler avec quelqu’un, pour ce projet d’expo qui s’intitule THE GUARDS je travaille en collaboration avec un Contrebassiste, pour la création de la pièce sonore qui sera la pièce centrale du projet et qui réactivera une mèche de cheveux…

Plus d’informations

La MeetFactory : http://www.meetfactory.cz/

Le site d’Adrien : http://www.adriengiros.com/

©Novembre 2013, Entretien exclusif réalisé pour lechassis.fr