« Qui a fait du dégât par là ? » demande un passant avec bonhomie. Le week-end du 8 mars dernier, Gwendoline Perrigueux s’était installée à La Charpente, galerie de l’école d’art de Saint-Mandé, pour une exposition intitulée Cream Corn. L’artiste avait pour l’occasion apporté quelques paillettes, quelques rubans, et tracé dans la cendre de larges figures aux sourires figés, glissant des murs jusqu’au sol – des personnages de dessins animés en lendemain de soirée comme disait un ami.

Gwendoline Perrigueux, Cream Corn, 2018 ©Victor Fajardo

Gwendoline Perrigueux, Cream Corn, 2018 ©Victor Fajardo

En entrant dans la pièce, à la tombée de la nuit et sous le halo de lumière rose-violet, on ressentait un mélange d’attirance et d’inconfort. Comme débarqué-e au milieu d’une soirée trop avancée et happé-e par la joie surfaite de chaque visage, il fallait un peu de temps pour s’adapter à l’ambiance, une bière dans une main et une cigarette dans l’autre. Le discours semblait assez simple : construire un paysage post-party, questionner ce besoin de montrer le meilleur de soi et les rapports entre fête réelle, fête rapportée et réseaux sociaux. Ainsi, l’artiste avait créé un vocabulaire festif, issu de sa propre subjectivité, mais où chacun-e est invité-e à se retrouver. Et en y regardant de plus près, ces hybridations entre smileys, guirlandes et étoiles filantes commençaient un peu à nous ressembler.

« Tout ce qui est issu de mon quotidien, de ces moments de soirées et de discussions, ces moments de lâcher prise, me stimule sans doute plus que les formes purement artistiques. » Gwendoline Perrigueux

Répandre, éclater, étaler des cendres et des paillettes… Les restes et les traces de ses actions gisaient sur le sol et les murs et construisaient les œuvres. Chez Gwendoline Perrigueux, l’impulsion artistique est issue de son quotidien pétillant. Une inspiration pop ? Sans doute. Avant tout pour les couleurs et les matériaux reconnaît l’artiste. Les formes et les images quant à elles sont plus difficilement identifiables, à la fois abstraites et évocatrices, détournant ou recomposant des modèles usités. Certaines rappellent nos objets de plaisirs familiers, entre pâtisseries et sextoys, des sculptures aux définitions mouvantes et fluides nous invitant à les utiliser. Certaines autres, comme celles de Cream Corn, naissent d’actions de créations intempestives. Entre couleurs kitsch, matériaux pauvres et mise en scène d’actions passées ou à venir – partie centrale du procédé de création pour cette installation – son travail s’oppose donc à toute réification et envisage la mobilité des formes et des identités conventionnelles. La fête, lieu de liberté et de réinvention perpétuelle, voilà donc la meilleure façon de définir le travail de Gwendoline Perrigueux, la fête, au-delà de l’entertainment pop et de l’esthétique du kitsh.

« La fête, ça fait partie des choses essentielles dans la vie. […] C’est un moment pendant lequel on peut jouer avec ce qu’on est, endosser plusieurs rôles, parce que c’est un moment d’écart. Ça englobe tout ce qui va avec : l’alcool, la drogue, les moments d’euphorie, la force de se sentir en groupe. Une petite bulle, toute prête à exploser et à s’évaporer. » Gwendoline Perrigueux

Cette vision de l’artiste fait d’ailleurs écho aux propos de Hakim Bey, écrivain politique et poète anarchiste, qui, dans l’ouvrage TAZ, zones autonomes temporaires (1991), relie l’émergence de la culture festive à la montée des médias invitant « à venir célébrer les moments de notre vie […] le fameux non-événement de la pure représentation ». Devenant une nouvelle manifestation de la lutte radicale, la fête s’inscrit en contrepoint, essentielle pour sa force politique et son pouvoir de transformation, « elle est toujours ouverte car elle n’est pas ordonnée ». La démarche de Gwendoline Perrigueux n’est ni politique ni engagée, mais ces œuvres s’inspirent d’une force et d’une réalité parallèles, ouvertes à tou-te-s et pas très ordonnées.

« J’ai envie de partager un travail débordant, explosif, jouissif. Je jouis clairement de mon travail. Ce que je veux, c’est donner du plaisir. » Gwendoline Perrigueux

Gwendoline Perrigueux, Cream Corn, 2018 ©Victor Fajardo

Gwendoline Perrigueux, Cream Corn, 2018 ©Victor Fajardo

Gwendoline Perrigueux, Cream Corn, 2018 ©Victor Fajardo

Gwendoline Perrigueux, Cream Corn, 2018 ©Victor Fajardo

Gwendoline Perrigueux, Cream Corn, 2018 ©Victor Fajardo

Gwendoline Perrigueux, Cream Corn, 2018 ©Victor Fajardo

Gwendoline Perrigueux, Cream Corn, 2018 ©Victor Fajardo

Gwendoline Perrigueux, Cream Corn, 2018 ©Victor Fajardo

Gwendoline Perrigueux, Cream Corn, 2018 ©Victor Fajardo

Gwendoline Perrigueux, Cream Corn, 2018 ©Victor Fajardo

Gwendoline Perrigueux, Cream Corn, 2018 ©Victor Fajardo

Gwendoline Perrigueux, Cream Corn, 2018 ©Victor Fajardo

Gwendoline Perrigueux, Cream Corn, 2018 ©Victor Fajardo

Gwendoline Perrigueux, Cream Corn, 2018 ©Victor Fajardo

Gwendoline Perrigueux, Cream Corn, 2018 ©Victor Fajardo

Gwendoline Perrigueux, Cream Corn, 2018 ©Victor Fajardo

Gwendoline Perrigueux, Cream Corn, 2018 ©Victor Fajardo

Gwendoline Perrigueux, Cream Corn, 2018 ©Victor Fajardo

Gwendoline Perrigueux, Cream Corn, 2018 ©Victor Fajardo

Gwendoline Perrigueux, Cream Corn, 2018 ©Victor Fajardo

 Plus d’informations

Gwendoline Perrigueux
La Charpente