Avant la sortie de notre prochaine édition, (re)découvrez cet entretien issu de notre numéro #3 Automne-Hiver 2017 !


De sa vie d’entrepreneur dans le conseil aux entreprises à son rôle de secrétaire général de l’ADIAF (Association pour la Diffusion Internationale de l’Art Français) pendant 15 ans, Michel Poitevin est un collectionneur qui aime se présenter et se caractériser comme «provincial». Avec sa femme Colette, ils achètent —en moyenne— une œuvre par mois, et possèdent à ce jour un ensemble d’environ 470 pièces.


Comment en êtes-vous arrivés à collectionner ?

Michel Poitevin : Mon rapport à l’art remonte à très long- temps, lorsque j’étais encore adolescent. C’est un professeur de dessin qui, le premier, m’a ouvert l’esprit sur le fait que l’art n’était pas juste de la décoration. J’aime bien raconter cette anecdote, car je pense que l’éducation que l’on reçoit à l’école peut être déterminante. Pendant très longtemps, je n’aurais jamais imaginé acheter de l’art, je ne savais d’ailleurs pas qu’il y avait un marché! Ma première acquisition en 1974 fut celle d’un peintre, Laurent Hours. Je me suis ensuite très vite intéressé à la figuration narrative et j’ai acheté des artistes comme Errò, Télémaque ou Rancillac. Un événement lourd intervenu dans ma vie dans les années 1980 m’a rapproché encore plus du monde de l’art, notamment par la discussion et l’échange avec des galeristes. Je me suis engagé dans ce que je peux appeler l’ossature de la collection à la fin des années 1980: Olivier Mosset, François Morellet ou Daniel Buren pour ne citer qu’eux. J’ai ensuite rencontré Colette. En 1997, nous sommes allés ensemble à la Biennale de Venise, où j’ai retrouvé mon ami Fabrice Hyber.

« Avec l’art  nous ne sommes pas spectateurs »

Entre vous deux, comment se construit la collection ?

Colette Poitevin : De mon côté je ne connaissais rien à l’art contemporain avant de rencontrer Michel.
J’étais un peu intimidée au début, mais petit à petit mon œil s’est formé, je me suis beaucoup documentée. Je suis mariée à un collectionneur, et j’ai vite compris que pour Michel, la place de l’art était primordiale dans sa vie. On circule toujours ensemble, les collections de «couples» m’intéressent beaucoup d’ailleurs. Je sais désormais exactement ce qui correspond aux attentes de Michel, ce sont comme des évidences, et j’en éprouve une grande satisfaction. C’est un univers passionnant !

M.P : J’aime avoir plusieurs pièces d’un même artiste sur plusieurs années et suivre ainsi la continuité du travail et son évolution. Au début des années 1990, j’ai par exemple rencontré Philippe Parreno, dont je regarde régulièrement le travail depuis.

Y a-t-il un lien entre toutes vos acquisitions ?

C.P : Le concept est souvent essentiel. Ce qui plaît à Michel ce sont les idées, et je sais qu’il apprécie les pièces où il y a un travail sur le texte, le langage. Ce sont des œuvres où il n’y a que très peu d’émotion.

M.P : Disons qu’il y a une dizaine d’artistes dont je possède un certain nombre d’œuvres: Philippe Parreno, Fabrice Hyber, Bertrand Lavier, Sophie Calle, François Morellet, Mathieu Mercier, Laurent Grasso entre autres. Je pense que mon artiste préféré pourrait être Joseph Kosuth, car c’est pour moi celui qui est allé le plus loin dans cette réflexion; dans le rapport à l’écrit évoqué par Colette. Mon dernier enthousiasme dans la collection est assurément David Douard.

C.P : On est très souvent d’accord sur les artistes, mais pas toujours sur les œuvres. On ne se pose jamais la question de savoir si l’on va pouvoir accrocher les œuvres chez nous, le but n’est pas la décoration.

Comment découvrez-vous de nouveaux artistes ?

M.P : Je cherche à voir des choses, non à découvrir. Je n’ai pas cette prétention, d’autres le font, comme des galeristes ou des salons. En général je préfère rencontrer l’œuvre plutôt que l’artiste, pour être le moins influencé possible par une personnalité. D’ailleurs je ne suis pas un acheteur d’atelier, je n’aime pas ça, et je suis persuadé qu’un artiste ne peut pas exister sans une bonne galerie. J’aime créer des liens privilégiés avec quelques galeristes sur la durée, c’est un vrai lien de confiance qui me plaît. Surtout s’ils nous tiennent au courant et font circuler l’info : Air de Paris, Chez Valentin, Christophe Gaillard ou encore Vincent Sator…

Et pour les très jeunes artistes ?

C.P : Nous aimons bien aller aux expositions de fin d’année «Panorama» au Fresnoy près de Lille.

M.P :  On s’autorise l’achat de 2 ou 3 jeunes artistes par an. Le Salon de Montrouge est une bonne source de rencontres, j’étais d’ailleurs dans le comité lorsque Stéphane Corréard était aux manettes, et l’on y achète systématiquement au moins une pièce. Et puis bien sûr de jeunes galeries comme Vincent Sator où j’ai récemment découvert le travail d’Evangelia Kranioti et de Raphaël Denis ou il y a quelques années chez Benjamin Derouillon pour les Nøne Futbol Club.

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