L’École Normale Supérieure de Lyon (l’ENS) accueille jusqu’au 17 juillet, au sein de son espace d’exposition, La librairie, une sélection d’œuvres provenant de l’Institut d’art contemporain de Villeurbanne, sélectionnées par les six étudiantes ayant participé à la master class Initiation au commissariat d’exposition d’art contemporain.

L’exposition, la quatrième du genre organisée depuis 2011-2012, est l’aboutissement d’un semestre de travail conjoint mené cette année par Juliette Degennes, Eléa Desmots, Perrine Guérin, Julie Karczewski, Amandine Roggeman et Annabelle Royer sous la direction de Marie Frétigny-Ryczek et David Gauthier de l’ENS et en collaboration étroite avec les équipes de l’Institut d’art contemporain de Villeurbanne. N.V.S / Laisser venir propose à partir du concept de « Non-Vouloir-Saisir » (abrégé en N.V.S) développé par Roland Barthes dans les dernières pages des Fragments d’un discours amoureux, une réflexion sur la relation entre le visiteur et l’œuvre. L’exposition transpose les propos de l’auteur, résumés en une citation (« comprenant que les difficultés de la relation amoureuse viennent de ce qu’il veut sans cesse s’approprier d’une manière ou d’une autre l’être aimé, le sujet prend la décision d’abandonner dorénavant tout « vouloir-saisir » à son égard ») du champ de la relation amoureuse à celui de l’art contemporain.

Vue de l'exposition N.V.S - Laisser venir, devant - François Bauchet, Conversation Théranice, 1984, collection IAC Villeurbanne

Vue de l’exposition N.V.S – Laisser venir, devant – François Bauchet, Conversation Théranice, 1984, collection IAC Villeurbanne

Les six étudiantes ont sélectionné sept œuvres dans les collections de l’Institut d’art contemporain de Villeurbanne (parmi plus de 1700) offrant autant d’évocations possibles des différents sens du verbe « saisir » : une compilation de vidéos de Rebecca Horn, une pièce de design de François Bauchet, une photographie de John Coplans, deux installations de Martine Neddam, une autre d’Arno Piroud, une sculpture d’Elisabeth Ballet ainsi qu’une des lentilles de Véronique Joumard.

L’exposition N.V.S / Laisser venir propose, selon les propres mots de ses commissaires, « un rapport renouvelé à l’art : envisager l’œuvre dans une relation non d’appropriation mais de contemplation ».

Le visiteur est invité à faire l’expérience du lâcher prise, autrement dit accepter de ne pouvoir tout voir, tout saisir tout comprendre, tout rationaliser. De par sa durée, la compilation de vidéo-performances réalisées dans les années 1970 par Rebecca Horn ne pourra être vu dans son intégralité. Le corps de John Coplans s’appréhende par fragments (Legs, Elbow, Hand, 1986), clin d’oeil au titre de l’ouvrage de Barthes tout comme le « livre ouvert » de Martine Neddam (Illuminations… The Great… Meaning…, 1993) dont certains mots ont été masqués. L’exposition se dérobe aux regards des visiteurs : les œuvres jouent sur les perceptions, multiplient les points de vues à l’image du miroir d’Arno Piroud (In your face, 2005) placé face à l’entrée, de la surface brillante de la sculpture d’Elizabeth Ballet (Trancher le site, 1991) reflétant son environnement ou de la lentille déformante de Véronique Joumard suspendue au cœur de l’espace.

N.V.S / Laisser venir offre l’expérience troublante du non-vouloir-saisir tel qu’il est exprimé par Roland Barthes, rapporté au domaine de l’appréciation de l’art contemporain. Le visiteur devra lutter contre l’envie de s’approprier les œuvres, comme l’être aimé, en refusant par exemple d’obéir à l’injonction exprimée par l’installation Arrache-moi de Martine Neddam (1990) ou en rejetant la tentation de s’asseoir au creux de la causeuse revisitée de Francois Baucher (Conversation Théranice, 1984) mobilier par excellence de la relation amoureuse où le désir se confronte à la frustration : les corps se frôlant sans jamais pouvoir se toucher.

Martine Neddam, Arrache-moi, 1990, installation, tissy polyester mélangé gris, ganse de coton rouge et vert, 70 x 150 cm, collection IAC Villeurbanne

Martine Neddam, Arrache-moi, 1990, installation, tissy polyester mélangé gris, ganse de coton rouge et vert, 70 x 150 cm, collection IAC Villeurbanne

N.V.S / Laisser venir, exposition réalisée dans le cadre de la Master class Initiation au commissariat d’exposition d’art contemporain dirigée par Marie Frétigny-Ryczek et David Gauthier avec l’équipe de l’Institut d’art contemporain de Villeurbanne. Du 21 mai au 17 juillet 2015 à la galerie La librairie, Ecole Normale Supérieure de Lyon (site DEscartes), 15 parvis René Descartes, 690007 Lyon, entrée libre, du lundi au vendredi de 9h à 18h.