Se construit-on nous même ou grâce aux autres ?

Cette question est un des piliers de la réflexion qui anime le projet Alex créé par Pauline Bastard et présenté jusquau 13 décembre au Collège des Bernardins. Lancienne sacristie, nouveau territoire de lart contemporain, est transformée en un lieu faisant écho à la décoration intérieure de tout à chacun. De la moquette sur le sol en passant par les faux meubles Ikea, Pauline Bastard présente une série de vidéos, agissant dans leur ensemble comme un seul et unique film. Afin de préserver lindividualité de chacune des vidéos, le son est transmis via des casques mis à la disposition des visiteurs. Il évoque le processus de construction dAlex et est souvent sans rapport avec les images présentées. Ces casques permettent une immersion du spectateur dans lunivers dans lequel Alex a évolué lors du tournage et évolue toujours dans nos esprits durant et après la visite de l’exposition.

Alex est un personnage fictif, charnellement interprété par François, rencontré par petite annonce. Il est comme lavatar en 3D dAlex, simplement une enveloppe physique, car Alex peut être nimporte qui, présent nimporte où.

Pauline Bastard aime le faux et se questionner sur les caractéristiques du réel afin dentremêler fiction et réalité. Cest pourquoi elle a cherché via ce projet à comprendre de quelle manière insérer une personne fictive dans la société.

Alex nest pas né physiquement, mais il est né dans le récit quen a fait Pauline, lors des premières étapes du projet.

Il sagit dun personnage unisexe. Lors de l’ébauche du projet, Pauline Bastard navait pas une idée précise du sexe de son personnage, elle a donc décidé de choisir un prénom unisexe et international pour que cela puisse correspondre au mieux à cet être sans passé ni mémoire.

Lexposition ne se résume pas aux écrans qui diffusent les vidéos, le mobilier qui construit l’espace prend une place importante dans la scénographie de lancienne sacristie. Lartiste a conçu ce mobilier comme quelque chose de standard que lon peut retrouver dans la décoration intérieure de tout le monde. Quelques objets sont disséminés dans lespace comme des vêtements, des livres, des chaussures. Le blouson en cuir et le jean sont le costume dAlex, comme celui de beaucoup de personnes existant réellement. Ceci nous invite à nous questionner : qui est vraiment Alex, nous ? Une personne que lon croise dans la rue habillée de la sorte ?

Chaque assise, que cela soit un cousin ou un canapé reconstitué, est recouverte dun textile dont les images proviennent des recherches de lartiste pour la création dAlex. Le textile est une matière qui passionne Pauline Bastard. Il sagit de l’élément qui est le plus proche du corps et également du premier constituant visuel dun individu, car premier contact avec le reste du monde.

Vue de l'exposition_Courtesy Melanie Pottier

Vue de l’exposition_Courtesy Melanie Pottier

La recherche identitaire passionne lartiste depuis de nombreuses années. Il sagit dailleurs de son plus gros projet sur le sujet.


Comment existons-nous dans une ville où nous ne connaissons personne ? Cette question, Pauline se la pose régulièrement.


Pour y répondre, elle cherche à créer du lien, à entrer en connexion avec les individus qui composent la ville. Souvent tout commence par lachat dun téléphone portable.

Lenvie de faire partie dun ensemble global anime cette exposition. Alex le dit lui-même il veut : « Traverser le passage piéton comme si il était avec les gens. », la volonté d’appartenir à cet ensemble de personnes qui constituent la ville, la société, est très forte. Afin de se construire dans la société, Alex sest entouré dune équipe constituée dun avocat, d’une anthropologue, d’une costumière, d’une psychanalyste, d’un interprète et d’une scénariste. Chacun devait penser Alex en fonction de son champ de connaissances pour dialoguer sur les notions de personne et de mémoire. Ces discussions sur la création dun individu sont audibles dans lexposition. La mémoire nous sert  à créer le récit individuel de notre passé où les souvenirs sont de véritables fondements à notre construction, ce qui manque à Alex.

Dès lentrée dans lexposition, les statuts dune association nommée Alex sont visibles. Ce fut une étape cruciale afin de faire entrer Alex davantage dans le réel. Ne possédant aucune identité administrative, il était nécessaire de le faire exister juridiquement. Ce qui le définit nest pas une forme physique, mais « une réflexion collective », ce qui montre quil existe bien dans un imaginaire collectif.

Vue de l'exposition_Courtesy Melanie Pottier

Vue de l’exposition_Courtesy Melanie Pottier

Alex questionne également sur des notions extrêmement actuelles comme celles des avatars. Ces avatars sont présents dans tous les réseaux sociaux sur lesquels nous nous connectons tous les jours. Comment dissocier le vrai du faux ? Comment savoir si la personne est réellement celle quelle prétend être ? Qui se cache derrière ce pseudo ou cette image ?

Avec Alex, chacun est libre dinterpréter où sachève le réel et où débute la fiction.

Cyrielle BRÉAN

Plus d’informations

Un commissariat de Gaël Charbau.

Alex, Pauline Bastard. Du 21 octobre – 13 décembre 2015 au Collège des Bernardins, 20 rue de Poissy 75005 Paris sur entrée libre. Du lundi au samedi de 10h à 18h. Le dimanche et les jours fériés de 14h à 18h.

Le site de l’artiste