Remarqué pour son travail sur les formes éphémères, dérisoires et fragiles telles que l’eau, la poussière, ou les brins d’herbe, Benoît Pype cherche à mettre en lumière des phénomènes infimes, plaçant ces oubliés du quotidien, littéralement, sur un piédestal.
À l’image du collectionneur, sa démarche est au long cours, comme hors des rythmes frénétiques engendrés par nos modes de vie actuels, et tente de capter les « manifestations quasi-imperceptibles des changements de la matière ».
Smartprint, œuvre présentée lors du dernier Prix Sciences Po pour l’Art Contemporain (dont Lechassis est partenaraire), est la trace du passage d’un smartphone sur un support pour la culture de micro-organismes, tel qu’on en trouve dans les laboratoires, à ceci près que la boîte de pétri est remplacée par un format A4. Le processus est ensuite fixé par une fine couche de résine. Ce travail s’inscrit à la fois dans une continuité et une parfaite cohérence avec la démarche de l’artiste, tout en y incluant une dimension nouvelle : Benoît Pype diversifie les procédés et élargit ses domaines de prédilection. En effet, s’il s’est dernièrement intéressé à des matériaux plus traditionnels de la sculpture tels le verre ou le métal comme dans ses Chutes libres fixant la forme de la précipitation d’une goûte de métal en fusion dans un volume d’eau, il inscrit ici une matière organique fragile et évolutive dans une forme pérenne, durable. Smartprint joue avec les ambiguïtés. Le titre fait référence aussi bien à l’empreinte (unique et individuelle) qu’à l’impression papier (reproductible à l’infini sur son format A4) — print — d’une intelligence — smart — naturelle, biologique, contrastant avec l’intelligence artificielle à laquelle le smartphone renvoie.
Le réseau de bactéries et champignons qui s’est formé entre en résonance avec celui que les hommes tissent au travers des nouvelles technologies de communication.
Le système d’organisation de ces micro-organismes fait écho à d’autres systèmes, dont l’échelle nous échappe, tout comme leur omniprésence dans ce qui constitue notre quotidien.
Benoît Pype s’attache à révéler dans cette œuvre quelque chose dont le caractère anodin, en marge, laisse percevoir des thématiques plus vastes. Il exprime quelque chose de l’ordre de l’invisible, un réseau de communication digital et froid, tout en rendant visible l’imperceptible vie bigarrée qui accompagne ces objets, que l’on pense généralement stériles. En nous les présentant par petites touches, comme un échantillon délicat prélevé au réel, il nous invite à contempler ces phénomènes.
Un texte de Flore Saunois
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