Cette année, c’est les 10 ans du Prix MAIF pour la Sculpture !

Exposés pendant un mois de août à septembre dernier, les cinq projets finalistes ont ainsi été présentés à l’aide de maquettes réalisées à l’échelle 1 et de vidéos au MAIF Social Club à Paris. Après délibération du jury, c’est l’artiste Angelika Markul qui a été désignée lauréate et bénéficiera da le production d’une œuvre en bronze.


Angelika Markul aime les mystères non résolus. Toutes manifestations naturelles insolites ou controverses scientifiques difficilement concevables lui donnent prétexte à parcourir le monde en quête d’une réponse toute personnelle. De ses expéditions allant de l’Argentine au Japon, en passant par le Mexique ou la Sibérie, elle ramène des images qu’elle met en scène dans ses vidéos, sculptures et tableaux. Ces éléments combinés créent des environnements dans lesquels on pénètre comme dans des lieux obscurs et profonds. On ne peut jamais tout à fait comprendre ses installations si on ne mesure pas l’importance de son travail exploratoire. Son intérêt pour les choses étranges ou fascinantes la conduit à faire de longues recherches, collectes de documents et d’autorisations, qui peuvent durer plusieurs années.

Vue de l'atelier d'Angelika Markul. Photo Lechassis par Salim Santa Lucia

Vue de l’atelier d’Angelika Markul. Photo Salim Santa Lucia pour Lechassis

La sculpture Mylodon de Terre (Prix MAIF pour la Sculpture 2017), s’inspirant de la dépouille d’un mammifère éteint à l’ère de l’holocène, est issue d’un voyage en Patagonie et de la visite d’une grotte où a été découvert un  morceau de peau de cet animal quasi légendaire, disparu pour des raisons que l’on ignore. La disparition programmée, causée par l’homme ou par la force de la nature, est tangible dans la plupart de ses travaux. Cet intérêt s’enracine dans le passé familial de l’artiste, confronté à l’horreur de l’extermination. Le traumatisme habite ses sculptures informes mi-organiques mi-minérales composées essentiellement de feutres agrafés et de cires. Dépouilles à l’abandon. Formes nécrosées. Ses tableaux et ses sculptures sont généralement réalisés avec ce matériau évanescent, périssable, amené à se dégrader inéluctablement, comme pour rappeler cette disparition programmée à laquelle nous sommes tous soumis. Les formes qui naissent de ses préoccupations sont intuitives, elles donnent à ses découvertes un sens caché, mystique, où chaque élément entre en jeu comme un indice.

Vue de l'atelier d'Angelika Markul. Photo Lechassis par Salim Santa Lucia

Angelika Markul dans son atelier. Photo Salim Santa Lucia pour Lechassis

Vue de l'atelier d'Angelika Markul. Photo Lechassis par Salim Santa Lucia

Angelika Markul dans son atelier. Photo Salim Santa Lucia pour Lechassis

L’élucidation personnelle que l’artiste fait de ces questionnements universels agit en fin de compte comme une conjuration. Se confronter directement aux éléments lui permet de donner une réponse sensible. Markul a besoin de voir de ses propres yeux, parfois au risque de sa vie, elle n’hésite pas à se mettre elle-même dans des situations difficiles, voire en péril comme lorsqu’elle tourne Bambi à Tchernobyl en 2014 ou lorsqu’elle part à Fukushima, très peu de temps après la catastrophe, pour y réaliser Welcome to Fukushima, 2013. Pour la pièce Zone Yonaguni, 2016, partie d’une controverse entre deux scientifiques concernant l’artificialité ou non d’un monument sous- marin ressemblant à une pyramide à degrés, Markul ne semble pas avoir d’autre choix que celui de descendre à plusieurs mètres au-dessous du niveau de la mer, elle qui n’a jamais fait de plongée…

Ressentir le lieu, l’expérimenter, peu importe ce qu’il en coûte. Elle s’unit aussi de cette façon aux esprits de la nature et exerce sur ce qu’elle voit la pensée magique du guérisseur, celle des sorciers et des chamans. Celle-ci se traduit dans ses pièces par un recours aux formes de la science-fiction ou à certains effets spéciaux dans ses vidéos qui montrent combien la fiction, la croyance peuvent se mêler à la science. Le titre de son exposition personnelle à la galerie Laurence Bernard en 2016, « Excavations of the Future », augure peut-être de la volonté de guérir notre futur à venir. Markul, en chercheuse empreinte de mysticisme, réactive en même temps notre plaisir à l’imagination d’une chose effroyable, redonnant au sublime sa signification classique : un plaisir douloureux face à ce qui nous dépasse — et délicieux lorsque nous avons conscience que nous échappons à un danger terrible.

Texte par Nathalie Desmet
Photos par Salim Santa Lucia

Le Prix MAIF pour la Sculpture

Les 5 projets finalistes : Alfredo Aceto, Nicolas Boulard, Brice Chatenoud, Angelika Markul et Thomas Waroquier

Le jury 2017 : Dominique Mahé (président de la MAIF), Marc Vellay (artiste) Marie-Anne Ben Maïz (administratrice honoraire de la MAIF) , Gaël Charbau (critique et commissaire indépendant), Emmanuel Daca (chef d’atelier à la Fonderie Chapon de Bobigny, Marianne Lanavère (directrice du Centre international d’art et du paysage de l’île de Vassivière, Anne Langlois (directrice de 40mcube à Rennes) et Chiara Parisi (commissaire pour les expositions d’art contemporain à la Villa Médicis)

Depuis 10 ans, le Prix MAIF pour la Sculpture permet chaque année à un artiste plasticien émergent de réaliser une première œuvre en bronze dans une approche contemporaine. La MAIF souhaite ainsi soutenir la création contemporaine et renouveler le regard porté sur le bronze, un matériau noble mais difficile d’accès. Elle fait ainsi vivre les valeurs de partage de la connaissance et de respect de la personne qui lui sont chères.


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