Béranger Laymond est un jeune artiste Diplômé de l’École Supérieure des Beaux-Arts de Nantes, qui a suivi un cursus sur l’image/vidéo intégrant l’utilisation des nouvelles technologies. Ces apprentissages l’ont amené à pratiquer aujourd’hui le travail des volumes via l’impression tridimensionnelle. Il vit et travaille à bidart, dans le sud ouest de la France.
Lors du dernier salon de la jeune création au 104, Lechassis a découvert ton travail via l’installation « the neighborhood », une maquette représentant un projet immobilier, composée d’impressions 3D. Tu peux nous en dire plus ?
En réalité, « The Neighborhood » est le nom de l’ensemble du projet dont le processus consiste à créer des pièces distinctes, que cela soit des sculptures, peintures, installations ou vidéos. Ces travaux font référence aux codes du cinéma d’épouvante des années 70-80. Le projet immobilier a été une première étape dans l’élaboration de ce processus, mais ce n’est pas ce qui a réellement été montré à Jeune création. Il s’agissait d’une installation présentant une maquette de quartier composée de maisons de films d’horreurs « classiques » dans une forme épurée, sans artifice, blanc clinique sur monolithe. Il était effectivement question de faire un parallèle entre l’utopie bon marché d’un quartier résidentiel moyen et la dystopie « fun » du cinéma de série B, voire Z.
Ici, l’installation se compose de deux éléments distincts ; d’une part la sculpture « The neighborhood – Village » qui amorce une évolution dans la forme puisque le propos n’est plus de livrer un constat froid sur la tricherie du quotidien, mais bien d’altérer les formes pour rendre « visible » le caractère dangereux de ces maisons qui caractérisent l’univers middle west de la plupart des films d’horreurs comme « Amityville », « Massacre à la Tronçonneuse », ou bien la « Nuit des Morts-vivants ». La sculpture évoque un totem calciné, un « bout de monde » sur lequel des maisons, hôtels, et un poste de police sont agencés à la manière d’un village. On peut imaginer que la surface de ce monde ait été retirée comme une peau de lapin, laissant apparaître toute la noirceur du dedans.
En étant volontairement provocateur, est-ce que la démarche de réaliser des impressions 3D peut elle être considérée comme artistique ? Quelle est la part de processus créatif ?
La technique employée est induite par le processus créatif. Je joue avec des codes issus du cinéma pour réaliser des sculptures dont le sens caché serait de savoir qui, de la maison phénix ou de la maison d’Halloween est la plus nocive pour nous. L’impression 3D s’est naturellement imposée pour la reproduction d’éléments en allant au plus fidèle. Il y a aussi cette idée de jouissance, propre aux fans de cinéma ; je regarde le film, je décortique les images afin de modéliser ces maisons que je me réapproprie, qui deviennent mes jouets avec lesquels je créé mes mise en scènes.
Pour être volontairement provocateur, je pourrais dire que je ne vois pas le mal qu’il y a à imprimer en 3D dans un domaine où l’utilisation de la photographie, de la sérigraphie, ou même du ready-made s’est démocratisée depuis bien longtemps !
Tes réflexions sont nourries par des phénomènes sociétaux comme la surpopulation, la proximité avec autrui et les rapports déviants entre individus. Comment matérialises-tu cela dans ton travail?
Ce n’est pas tellement la question de savoir comment cela est matérialisé. L’observation des actualités, des comportements, de tous les facteurs humains me sert de base de travail, un peu comme un medium. J’utilise ces paramètres pour construire des travaux en lien avec le réel; le temps passé, présent et à avenir. J’ai une opinion, bien entendu, mais je la garde en second plan, favorisant la mise en place d’une esthétique, d’une accumulation de formes, qui à leurs tours vont créer une fiction mettant en exergue le propos de départ. C’est le cas par exemple avec The Neighborhood qui crée une boucle sur les questionnements de l’habitat, de la communauté, des mœurs, en s’appuyant uniquement sur l’esthétique du cinéma d’épouvante qui puise lui-même son langage d’après l’habitat réel tel qu’on le rencontre dans les régions du Middle West.
J’ai cru comprendre que le cinéma populaire influençait ton travail. Qu’est-ce qui t’intéresse dans ce cinéma ?
Le cinéma est un médium très riche et très puissant. Il peut être utilisé comme vecteur de propagande, Leni Riefenstahl en est le meilleur exemple.
De mon point de vue, les films sont toujours teintés de plus ou moins de subjectivité, et il existe dans le cinéma populaire, en particulier celui auquel je fais référence, une sorte d’insubordination à la société. La plupart du temps, les morts-vivants, les esprits et autres monstruosités incarnent l’ennemi qui vient déranger la jeunesse dans son insouciance. Les maisons vont servir, selon les scénarios, de refuge contre l’ennemi ou au contraire d’incubateur de la violence. Les codes simples et directs utilisés sont donc autant d’éléments riches en symbolique que je vais utiliser dans mes travaux, d’égal à égal avec des symboles appartenant à l’histoire de l’art. Par exemple, le mariage entre le cinéma 80’s et les « architectons » de Malévitch m’ont servi de supports de recherche, entre autre, pour la création de « The neighborhood – Village ».
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http://theneighborhood3d.blogspot.fr/
©Janvier 2014, Entretien exclusif réalisé pour lechassis.fr